Village Amagaz

AZIZ BOUSSAÏD Le photographe qui a percé Google Earth




Le grand chef-d'oeuvre qu'il préserve jalousement est le recueil contenant des dizaines de photos de la grande fête qui a ponctué le jour du recouvrement de la souveraineté nationale, le 05 Juillet 1962.

«Je souhaite que notre municipalité construise un musée communal auquel je ferai don de plusieurs milliers de photographies qui seront une référence de base aux génération futures», a déclaré M.Abdelaziz Boussaïd. Celui-ci ne semble pas badiner avec les mots. Car, avant de divulguer son ambition, ses travaux ont été déjà vus par tous les internautes, harcelant le Google et autres supports Internet en quête des images de leurs villes.
En effet, Abdelaziz Boussaïd s'est introduit par la grande porte et dans le plus grand moteur de recherche, Google Earth, qu'il alimente régulièrement et gracieusement. Le but est contre toute attente, «mettre en valeur la richesse patrimoniale, culturelle et naturelle de notre pays» a-t-il expliqué. Mettant à profit les avantages de ce passionnant Google tant cliqué, l'artiste ne se lasse pas de traverser la Méditerranée plusieurs fois chaque année. Au moindre événement il ajuste le zoom de son appareil. Plus jamais d'horreur.
«Je choisis les moments clairs et les paysages verdoyants, je prends des plans que je place aussitôt sur Google Earth pour le seul but: faire connaître au monde entier la beauté des panoramas et les décors majestueux des montagnes et des plaines d'Algérie», a affirmé modestement Abdelaziz Boussaïd qui a percé, par la grande porte, le spacieux monde de Google Earth, tant sollicité aussi bien par les entreprises que par les touristes et les boîtes de voyages et de tourisme.
Ce n'est pas là une mission aussi simple. L'utilisation de la technique est trop compliquée. Lui, par contre, a osé et mené avec brio sa mission. «L'essentiel est d'immortaliser tout événement, je m'en fous du reste!» Tel était le seul credo de l'artiste depuis que son père, revenu de France en 1957, lui a offert un étrange cadeau, un appareil photo. Pour en arriver là, la longue trajectoire du vieux routier de la photographie a été parsemée de plusieurs peines et d'embûches. Abdelaziz Boussaïd a été, à la fois, profondément et horriblement touché par la mort de son père un an après le cadeau «éternel». C'est ainsi qu'il a alors entamé son long périple extériorisant, à travers son appareil photo, cette rage qui le terrassait en ne clichant que les choses naturelles. Les adolescents de son âge ne se sont pas extasiés de vivre leur adolescence. Ils vivaient pour survivre. La guerre de Libération battait son plein tandis que l'opération «Jumelles» étouffait tous les villages de la Kabylie. Amagaz, son village natal, situé dans la commune de M'cisna (Béjaïa), était, pendant la majeure partie du temps, encerclé par les colons, devancés par les harkis. Lorsque les soldats du capitaine Balland ne venaient pas en expédition punitive, ils bombardent de loin le fief des «Fellagha» en intensifiant, souvent la nuit, les tirs aux obus de mortier faisant, à chacune des opérations, autant de martyrs que de blessés. L'un des obus, lancé la nuit, atteignit mortellement le père de l'artiste un an près avoir honoré son fils par une offrande, à la fois, exceptionnelle et éternelle. «J'ai été très marqué par la guerre de Libération et par la mort de mon père devant ses enfants», se souvient encore Abdelaziz Boussaïd. Ce jour-là, le photographe débutant n'a pas fait usage de son appareil pour éterniser la scène d'horreur qu'il a vécue avec les autres membres de sa famille. Et, depuis, le jeune talent, en progression constante, avait transformé ce quotidien amer imposé par les colons en une atmosphère à son profit en photographiant la beauté de son village et les sites des agglomérations limitrophes. En effet, en 1959, il pérennise le grand rituel religieux, «Louziaâ» appelée dans d'autres localités «Timechret». En 1961, il immortalise la mémoire de son oncle Lahacen Boussaïd en train de moissonner à «Anar» entouré des enfants, pieds-nus de son village. Il renouvelle son acte, plusieurs fois après, tantôt discrètement tantôt manifestement, malgré les barbelés clôturant tout son village. Le jour du cessez-le feu, il immortalise la journée du 19 Mars 1962 en mettant sous son film négatif le défilé du retour définitif des moudjahidine des maquis. Reste le grand chef- d'oeuvre qu'il préserve jalousement: le recueil contenant des dizaines de photos de la grande fiesta qui a ponctué le jour du recouvrement de la souveraineté nationale, le 05 Juillet 1962. Depuis l'Indépendance à ce jour, l'artiste a continué et continue encore d'alimenter ses plus beaux albums photos et ceux de ses amis par les plus beaux paysages puisés dans les fins fonds de l'Algérie. «Je filme les belles choses, la nature, les gens de chez nous et les villages kabyles», a-t-il affirmé expliquant que ces chefs-d'oeuvre continuent à orner les plus beaux murs de plusieurs cités à Paris et les clips vidéo des jeunes chanteurs de l'Algérie en général et ceux de la Kabylie en particulier. «Maintenant que j'ai plus de temps libre, je m'organise pour exposer mes photos et les posters grand format que j'ai développés», ambitionne-t-il.

Aït Ouakli OUAHIB

Journal Expresion n° 2827 du mardi 23 Février 2010 .



23/02/2010
1 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 78 autres membres